L'homme ne peut pas ne pas connaître la lumière, l'ombre, le froid, la chaleur, la joie, la douleur, le chagrin, l'amour... Il est inévitable pour lui de traverser ces espaces que je nomme : les états du vivant. L'ordre d'apparition de ces états du vivant...
Et on a bien raison de dire qu'on ne connaît pas le prix de ce qu'on a avant de l'avoir perdu. Avant qu'on vous l'ait pris...Il est parti d'un coup, voyez-vous. Ça fait un gros choc, quand vous perdez quelqu'un de tellement proche que vous aviez oublié...
Nos guerriers combattront jusqu'à la première minute. Nos glaives sont garantis pur fruit pur sucre. Nos murailles sont faites pour résister à la moindre poussée. Notre artillerie est parfaitement invisible, même pour nos artilleurs. Nos ponts-levis s'abaissent...
...ressenti une fois de plus que le vieillissement, les cheveux blancs, les lunettes, les ennuis multiples du corps prendraient soudain un poids considérable si ne galopait pas, toujours en avant, l'oeuvre de création. Les projets nous maintiennent debout...
Etre vrai, c'est nécessairement être simple. Ne pas se laisser dominer par la crainte de ce qu'autrui pensera de vous. Quand on est libéré de cette crainte, on ose enfin être soi. On n'éprouve plus le besoin de se grandir ou de se diminuer. Mais la simplicité...
Et les mots ? Où vont-ils ? Combien restent ? Pour combien de temps ? Et, en fin de compte, pour quoi faire ? Ce sont là des questions superflues, je le sais bien, propres à quelqu'un qui vient d'avoir 86 ans. Ou peut-être pas si superflues que cela si...
Je sais à quoi pense mon grand-père comme si j'avais bu dans son verre. Il se colle au sapin, la résine, chauffée tout le jour, embaume et pénètre ses vêtements, sa peau, son épine dorsale. Il adhère parfaitement au tronc rugueux. Mon grand-père devient...
Vieillirons-nous ensemble au pas de la porte têtes couvertes de branches blanches et de corbeaux oubliés nos plaies confondues sous un soleil pâle mains effilées momies d'un amour qui nous ressemble ton bras à mon bras mon épaule contre la tienne merveille...
On finit par répondre qu'on est là, faire signe parmi nos absences ne plus fuir la mémoire de certaines failles qui blessent plus que d'autres On finit par s'ouvrir au silence qui revient et ne plus répondre au bruit des pas, ne plus croire qu'on a aimé,...
Je viens pieds nus au monde, pieds nus vers la lumière, pure extension tactile et vulnérable. Le monde s'étire se dilate jusqu'à mes pieds. J'apprends à marcher, les doigts ensommeillés. Ma peau reste endormie, je glisse les talons, à pas de chat sur...
Je ne comprenais pas pour quelle raison ma mère ne m'avait jamais raconté tout cela : au long des années, des étés, des hivers, toutes les fois où nous étions assis à la table de la cuisine, à manger des moitiés de gâteau et à boire du thé, toutes les...
Dans chaque ville où je m'arrêtais je rendais visite à de vieilles connaissances ou tentais de me faire de nouveaux amis. A quelques exceptions près, la plupart me laissèrent un sentiment amer et uniforme : les gens vivaient dans la peur et en fonction...
On naît sans souci, n'importe où, on n'a rien demandé. Le monde s'installe tout seul dans vos yeux, c'est un petit paradis avec de l'herbe et du ciel à ne plus savoir où donner de la tête. Libre, affamé de couleurs comme une carte muette, on grimpe sur...
A chaque fois que je voyage m'étreint une très légère angoisse au moment du départ, angoisse parfois teintée d'un doux frisson d'exaltation. Car je sais qu'aux voyages s'associe toujours la possibilité de la mort - ou du sexe (éventualités hautement improbables...
Que garde la mémoire dans son sac ? Qu'est-ce qui la détermine à prélever dans l'immense territoire de notre passé ces quelques images, ces quelques scènes qui nous tiennent lieu de souvenirs ? Parmi ces souvenirs, toujours plus ou moins remaniés, voire...
Elle m'a longtemps caressé les cheveux, puis on s'est prises dans nos bras et ç'a été comme une noyade. Alors j'ai eu peur, mais je ne pouvais plus m'arrêter. Il y avait quelque chose qui rampait dans mon ventre. J'avais une pieuvre dans le corps. Jeanette...
voilà que je parle. bref. rien de nouveau. pas trop se prendre au sérieux. juste essayer de balbutier tant bien que mal. ça reste un petit effort dérisoire. juste enfoncer le clou. et puis choisir une bonne fois pour toutes : parler ou te taire. à moins...
I Dans ma cervelle se promène Ainsi qu'en son appartement, Un beau chat, fort, doux et charmant. Quand il miaule, on l'entend à peine, Tant son timbre est tendre et discret ; Mais que sa voix s'apaise ou gronde, Elle est toujours riche et profonde. C'est...
Car le poète, j'ai coutume de le dire, est avant tout un homme plongé dans l'ordinaire de l'histoire humaine. Cependant, ma poésie n'est pas une poésie de la blessure, ni de la révolte. Elle n'habite pas non plus la désespérance. Elle est une poésie d'initiation....
Je suis là, j'écoute le silence habité des collines, et c'est ma vie aussi comme d'habitude qui ronronne sans mystère au coeur de sa caverne. Ce n'est pas une raison pour médire de la vie. Il y a un verre à ma gauche, le cendrier à ma droite. J'aimerais...
Tout ce qui, en moi, ressemblait à l'attente est tombé dans la concavité du ventre. Le vide neige sans contrainte dans la poitrine vide. Le visage troué s'est tapissé d'une seule rétine, et cette orbite énorme est braquée vers l'envers bleuâtre du sexe....
Nos ombres devant nous, sur le chemin, Avaient couleur, par la grâce de l'herbe, Elles eurent rebond, contre des pierres. Et des ombres d'oiseaux les effleuraient En criant, ou bien s'attardaient, là où nos front Se penchaient l'un vers l'autre, se touchant...
Je me souviens de Jim et de Lucy. Jim vendait des assurances et Lucy était institutrice. Chaque fois qu'on les voyait, ils nous donnaient une poignée de calendriers de poche en plastique faisant de la réclame pour les assurances. Je me souviens de mon...
Dans son essai The Ennemies of Books, l'imprimeur anglais William Blades place le feu en première position, devant l'eau, le gaz, la chaleur, la poussière, l'incurie, l'ignorance, la bigoterie, les vers et autres vermines, les relieurs, les collectionneurs,...
à chercher l'âge de l'eau en qui trembles-tu arbre de guerre mangé par l'écorce avance ta phalange dans la terre j'attends comme on attend avec l'hiver que la dernière feuille tombe dans l'espoir que tout revienne comme avant et la chevelure des cadavres...